
L’Alliance française pour une huile de palme durable, créée en 2013, regroupe des entreprises qui se sont engagées à s’approvisionner en huile de palme 100% certifiée durable d’ici la fin 2015. Cette structure regroupe 11 membres : de grands groupes comme Nestlé, Unilever et Ferrero mais aussi des PME telles que Labeyrie Traiteur Surgelés, Vandermoortele, Cérélia… ainsi que trois fédérations : l’Alliance nationale des industries agroalimentaires (Ania), l’Alliance 7 et la Fédération nationale des industries de corps gras. Laure Grégoire, porte-parole de cette alliance, explique les enjeux et pourquoi il faut aller plus loin que la certification Roundtable on Sustainable Palm Oil (RSPO), une initiative lancée en 2004.
Pourquoi l’huile de palme entraîne-t-elle la déforestation ?
Cet ingrédient est utilisé depuis des siècles en Afrique et en Asie comme huile de table mais l’Europe en a découvert les vertus naturelles et techniques dans les années 1980. Cette huile ne rançit pas, aide à la conservation des aliments, résiste à la chaleur et offre une texture semi-solide à température ambiante, permettant d’obtenir différentes textures (fondant, croustillant, moelleux). On l’utilise dans la viennoiserie, les biscuits, la margarine et les pâtes à cuire, mais aussi dans la cosmétique – et c’est la raison pour laquelle Givaudan, fabriquant d’arômes et de parfums pour l’agroalimentaire et la cosmétique, a rejoint notre alliance.
Ainsi, la forte demande des industriels dans les années 1980 a entraîné une augmentation exponentielle de la production d’huile de palme dans les pays tropicaux, principalement l’Indonésie et la Malaisie qui fournissent 85 % des volumes mondiaux. Pour étendre les plantations de palmiers à huile, ces pays ont largement déforesté leur territoire.
Pourquoi avez-vous organisé un atelier général sur la déforestation lors du forum Convergences en septembre 2015 à Paris ?
Le Forum Convergences offre un cadre institutionnel et international de premier plan qui nous a donné de la crédibilité aux yeux des personnes que nous souhaitions réunir lors de notre atelier sur la lutte contre la déforestation. Nous souhaitions en effet rencontrer des acteurs d’autres filières, à savoir le soja, la pâte à papier, le caoutchouc et le bois qui font face à la même problématique et œuvrent aussi pour lutter contre la déforestation. Nous avons la conviction d’avoir beaucoup à apprendre des expériences des uns et des autres et que des synergies sont possibles. La filière durable du caoutchouc est justement en train de mettre en place, Michelin était à ce titre présent à l’atelier, de même que le leader mondial de la pâte à papier APP (Asia Pulp and Paper).
Lors de l’atelier, les ONG de défense de l’environnement Greenpeace et WWF ont dressé un état des lieux de la déforestation, les perspectives à venir, avant de définir l’objectif Zéro déforestation. Réunir des ONG, institutionnels et acteurs du secteur privé nous a permis d’identifier des solutions.
De quelles solutions concrètes a-t-il été question lors de cet atelier ?
L’importance de mener des actions transversales a fait consensus et bon nombre des solutions proposées s’appuient sur ce principe. Des initiatives à « effet domino » pour valoriser les filières durables sont à l’ordre du jour, portées par une quête de transparence entre les parties prenantes et la bonne identification des besoins des petits producteurs. Le tout, afin de mettre en place des contrats durables « gagnants/gagnants ».
Autre point majeur : gagner davantage la confiance des consommateurs en apportant les preuves de l’engagement des acteurs des filières durables pour lutter contre la déforestation. Cela peut se faire de trois manières : par le biais d’une plateforme internationale de suivi des engagements des entreprises ; le partage auprès du grand public d’une cartographie des risques pour chaque famille d’ingrédients ; la création d’un méta-label “anti-déforestation” utilisable pour toutes les filières.
Au total, une vingtaine de solutions innovantes sont nées de cet atelier. Parmi elles, la création d’un observatoire pour vérifier les engagements des entreprises et garantir la durabilité des produits, l’élaboration d’une seule et même cartographie des zones à risques consultables par tous (ONG, entreprises et investisseurs) ou encore la création d’un méta-label « anti-déforestation » utilisable pour l’ensemble des filières. Elles figurent toutes dans le rapport de synthèse téléchargeable ici http://stop-deforestation.org/
N’êtes-vous pas suspectés, en tant que regroupement d’industriels, de vouloir surtout travailler à votre image ?
Nous n’avons invité à l’atelier sur la déforestation du Forum Convergences que des industriels ayant pris des mesures et des positions engagées contre la déforestation et en faveur d’un approvisionnement responsable. Suite à l’atelier, nous avons produit ce rapport de synthèse, en vue de la COP 21 : nous espérons que nos propositions soient reprises à cette occasion.
Les sociétés membres de l’Alliance française pour une huile de palme durable ont pris deux engagements : s’approvisionner un huile de palme 100% certifiée RSPO (Roundtable on Sustainable Palm Oil) à fin 2015 et à 100% durable à l’horizon 2020 selon notre propre définition, qui va au-delà des principes de la RSPO. Ces engagements représentent un coût pour ces entreprises, et témoignent de leur volonté de s’engager pour transformer la filière et rendre sa production vertueuse.
Quelles sont vos prochaines échéances ?
Nous espérons être à 100% d’approvisionnement en huile de palme durable certifiée RSPO à la fin 2015. La RSPO existe depuis 2004, mais nous pensons qu’il faut aller au-delà des principes érigés par cet organisme international de certification, car il ne préserve que les forêts primaires, et non les secondaires. Il n’interdit pas non plus l’assèchement de certaines tourbières qui sont pourtant des puits de carbone. Et bien d’autres critères qui peuvent être durcis. Notre objectif à l’horizon 2020 consiste donc à avoir une huile de palme durable, avec des critères qui vont au-delà de la RSPO.
Y a-t-il un impact en Afrique ?
L’Afrique développe massivement la culture du palmier à huile car jusqu’à présent, les pays de ce continent en importent pour nourrir leur population. Les forêts primaires du bassin du Congo sont donc menacées de déforestation. Toutefois, les dégâts causés en Asie ces 20 dernières années ont servi de leçons et aujourd’hui, les pouvoirs publics et les ONG telles que WWF ou TFT sont sur place pour encadrer et surveiller les pratiques culturales: préserver l’environnement tout en permettant à ces pays et leur population de se développer économiquement et subvenir à leurs besoins.
Comment peut-on contrôler ce qui se passe sur le terrain ?
La filière de l’huile de palme voit intervenir beaucoup d’intermédiaires. Les sociétés agroalimentaires qui s’approvisionnent en huile de palme ne peuvent pas contrôler les plantations, d’autant que la production vient à 60 % de petits exploitants. En revanche, des ONG telles que TFT ou Rainforest Alliance sont présentes sur place : elles remontent les filières de l’usine à la plantation, encadrent les pratiques pour s’assurer du respect de l’environnement et garantissent la traçabilité de l’huile. Des industriels comme Ferrero membre de notre alliance, travaillent main dans la main avec ces ONG et les producteurs pour s’assurer de l’origine de l’huile de palme qu’ils achètent et que sa culture soit respectueuse de l’environnement, de la biodiversité mais aussi de la protection des habitats naturels des animaux et des droits des populations locales.
Les opinions exprimées dans ce site sont celles des auteurs et ne reflètent pas forcément la position officielle de leur institution ni celle de l’AFD.