
À La Réunion, mais aussi dans d’autres îles du bassin sud-ouest de l’océan Indien, on observe depuis 50 ans un réchauffement moyen de la température de l’air des basses couches de près de 1°C. Et ce réchauffement s’est accéléré au cours de la dernière décennie. En outre, des épisodes de pluies soudaines et intenses affectent déjà régulièrement les îles au relief escarpé comme Madagascar, La Réunion, Maurice, Les Seychelles, Mayotte et Les Comores. Ces pluies sont notamment amenées par les tempêtes et les cyclones qui, une dizaine de fois par an, traversent le bassin.
Un constat inquiétant ces dernières décennies
Les intensités de ces pluies torrentielles sont comparables, voire supérieures, aux pluies diluviennes observées à l’automne dans le sud de la France. En octobre 2018 et 2020, des inondations catastrophiques ont touché l’Aude puis les Alpes Maritimes avec des cumuls supérieurs à 300 mm sur la journée (1 mm d’eau = 1 litre d’eau par mètre carré au sol), soit près de la moitié de la pluie moyenne qui tombe sur Paris en un an. Entre 1981 et 2014, La Réunion, elle, a connu environ 223 épisodes de pluie supérieure à 300 mm par jour. Cette fréquence élevée des précipitations intenses à La Réunion s’explique par son relief escarpé (le Piton des neiges y culmine à 3070 m) et par sa position géographique qui la place dans le sillage des tempêtes et des cyclones tropicaux.

En parallèle de ces évènements fortement précipitants, une baisse moyenne des précipitations annuelles et une augmentation des périodes de sécheresse ont été observées ces 50 dernières années sur plusieurs territoires insulaires. A certaines périodes de l’année, le manque d’eau est déjà critique, comme à Rodrigues, aux Comores, à Mayotte et au sud de Madagascar.
Un avenir caniculaire
Le projet BRIO a permis la production d’un jeu de données du climat futur pour 3 scénarios d’émission de gaz à effet de serre. Ces données se basent sur un ensemble de simulations climatiques globales (CMIP6 utilisées dans le premier rapport AR6 du GIEC publié en août 2021) et sur une simulation climatique régionale. En matière de température moyenne, les données BRIO prévoient une augmentation en fin de siècle de +1,5°C à +2°C pour le scénario d’émission de GES optimiste (ssp126) et de +3°C à +5°C pour le scénario pessimiste (ssp585) selon les localités (le continent Africain et Madagascar se réchauffant davantage que les petites îles).

Nombre de jours où la température maximale dépasse le seuil de 31°C sur Gillot à La Réunion depuis la période passée 1981-2014 (en noir) jusqu’à l’horizon 2100 pour 3 scénarios d’émission de gaz à effet de serre (simulation régionale) : faible (ssp126), médian (ssp245), élevé (ssp585).
Le nombre de jours annuels de fortes chaleurs devrait aussi être en nette augmentation par rapport à ce que l’on a connu depuis 1981. En fin de siècle par exemple, la température maximale devrait dépasser 31°C à Gillot (Réunion) et 32°C à Pamandzi (Mayotte) plus de la moitié de l’année en scénario pessimiste (ssp585) contre une dizaine de jours par an jusqu’ici. De telles températures auront des conséquences néfastes sur la santé humaine et animale, sur la biodiversité et les écosystèmes, ainsi que sur la sécurité alimentaire.
Sécheresses et inondations en augmentation
Selon la relation physique de Clausius-Clapeyron, l’air peut contenir 7% de plus de vapeur d’eau par degré de réchauffement. Quand la vapeur d’eau se condense en pluie, la quantité qui précipite au sol peut augmenter dans les mêmes proportions. Dans le contexte du réchauffement climatique, on peut donc s’attendre à une intensification des précipitations extrêmes au cours du XXIème siècle. Et les données BRIO confirment ces résultats à La Réunion. Le nombre de jours de précipitations extrêmes (cumuls quotidiens supérieurs à 300 mm en un lieu) devraient y augmenter de 10 à 20 % dès la seconde moitié du siècle.
Dans le même temps, les modèles s’accordent sur une baisse moyenne des précipitations annuelles dans le bassin à l’horizon 2060-2100. L’amplification des contrastes saisonniers devrait ainsi compliquer la gestion de l’eau en saison des pluies (inondations) et en saison sèche (sécheresses). En scénario pessimiste, la baisse des précipitations pourrait atteindre 10 % à 40 % sur la saison juillet-août-septembre selon la zone. Une baisse sensible de 20 à 30 % des précipitations sur le dernier trimestre de l’année présage un allongement de la saison sèche avec un probable retard de démarrage de la saison des pluies.

Il devrait en découler des épisodes de sécheresse plus fréquents et plus sévères sur des périodes de l’année où les ressources en eau sont déjà déficitaires, avec un fort stress hydrique pour la végétation et les cultures.

Une intensification des cyclones
Et qu’en est-il des cyclones ? Les simulations régionales disponibles montrent une probable diminution du nombre total de systèmes dépressionnaires dans le sud-ouest de l’océan Indien, un nombre de systèmes intenses ou très intenses constant ou en hausse, et une probable augmentation du maximum d’intensité cyclonique. En outre, la bande de latitude où l’on observe actuellement les maximums d’intensité cyclonique devrait migrer vers le sud, se traduisant par un risque accru de passage d’un système dévastateur touchant les îles Maurice et La Réunion.
Dans un futur réchauffé, les contrastes saisonniers et intra-saisonniers seront ainsi fréquents, avec une alternance de périodes d’importante sécheresse et d’épisodes de fortes précipitations. Cela pose des enjeux importants pour les populations, à la fois de limitation du ruissellement et de stockage de l’eau en période de sécheresse. Il faudrait donc amorcer une transition vers des systèmes innovants pour les infrastructures et la gestion de l’eau dans les îles du sud-ouest de l’océan Indien.